Chapitre Zéro

Un voilier solitaire avec une voile bleu pâle tourne au ralenti sur l'eau sans vent. Au bout de la jetée, des pêcheurs nus se poursuivent et sous l'eau, se débattent, continuellement. Dans quelques cabanes en bois juste au bord, des femmes silencieuses sont assises donnant le sein, sous une véranda, au dessus des vagues.

Le rivage : jonché de poissons morts, bouches dénudées, comme des soldats tombés au champ de bataille, partout des cerceaux d'acier rouillés gisent avec d'énormes tas de liège, stockés dans des caisses sur toute la longueur de la plage. Ancres, bateaux échoués, coques éventrées et d'énormes bouées rouges chevauchent la soucoupe verte de la mer, un fatras dont personne ne voudrait ; à quelques mètres sous la surface, une chaise carbonisée, une table rouillée attendent un occupant, pour l'éternité.

[Alan Ross – Corsica, summer 47]